
Évidemment, « retraite » s’entend ici dans le sens du passage du travail au non travail. Elle engendre par conséquent un statut, fait référence à un âge, à un temps particulier de la vie mais également à un état économique. Or, ce qui frappe dans l’étymologie du mot français c’est qu’il ne fait référence ni au monde du travail, ni à l’argent, ni à un âge, ni à une gratification, ni à un quelconque lien intergénérationnel. Bref, ce terme ne fait référence à absolument rien de ce qui constitue la réalité de la vie du retraité.
Outre l’arrêt de l’activité professionnelle, ce mot signifie également un état spirituel qui consiste à se retirer du monde et un terme militaire qui consiste en une stratégie de repli des troupes pour éviter la défaite ; deux définitions à connotation plutôt négative tout comme d’ailleurs celle que donne le dictionnaire Larousse dans le sens qui nous intéresse ici : « Action de se retirer de la vie active, d’abandonner ses fonctions ; état de quelqu’un qui a cessé ses activités professionnelles ». Comme dans les deux définitions précédentes, on retrouve les mêmes idées de retrait et d’abandon. Est-ce donc cela la retraite ? Se retirer de la vie ? N’y a-t-il que des pertes et aucun gain ?
Cette dernière définition, synonyme de repli sur soi et de retrait du monde, pouvait sembler appropriée au début du siècle dernier parce qu’effectivement les retraités, souvent épuisés par une dure vie de labeur, se retiraient de la vie sociale pendant les quelques années qu’il leur restait à vivre ; ce n’est heureusement plus le cas aujourd’hui. On peut donc se demander s’il est légitime de conserver le même mot pour définir des états différents.
C’est pour cette raison que de nos jours, on parle plus facilement de seniors bien que ce terme ne désigne pas exclusivement les retraités mais les personnes de plus de 50 ans dans lesquelles sont englobés les retraités. Le mot senior a, quant à lui, une connotation beaucoup plus positive. Issu du monde sportif, repris par l’entreprise et le marketing, il donne une image dynamique et fait ressortir des compétences et des aptitudes.
Et en Europe ?
Dans la plupart des langues européennes, c’est l’aspect financier qui est mis en avant : « pension » en suédois, « pensione » en italien, « renten » en allemand, etc. Le terme anglais « retirement », en revanche, s’applique davantage au fait de prendre sa retraite et désigne ainsi un moment particulier.
Mais, pour être plus positif, nous retiendrons de préférence les termes grec et espagnol.
En grec, on parle de « syntaxi » : « taxi » ne fait pas référence aux impôts mais à l’ordre et le préfixe « syn » implique l’idée du lien. Les retraites grecques seraient donc associées à un lien entre générations, à une société soucieuse de ménager un ordre où chacun aurait sa place.
En espagnol enfin, on parle de « jubilatión » qui, comme le terme jubilé en français, est associé à un anniversaire. Issu de l’hébreu « yobel », terme qui désigne la corne pour annoncer la fête, ce mot a une connotation festive que l’on retrouve dans le verbe français jubiler.