
« Il ne fait pas bon prendre de l’âge en France », voici la première phrase de la préface du livre de Serge Guérin « L’invention des seniors ». Le décor est planté !
L’allongement de l’espérance de vie qui marque pourtant un progrès important est systématiquement vu sous un angle négatif. Les politiques ne résonnent qu’en termes de coûts. Pour eux, vieillissement est synonyme de problèmes : problèmes du financement des retraites, de la protection sociale, de la dépendance liée au grand âge, etc.
Certains jeunes, quant à eux, voient dans leurs aînés et particulièrement les papys boomers, des privilégiés qui ont bénéficié des avantages des « trente glorieuses » et qui vont vivre leur grand âge à leurs crochets ; eux qui n’ont connu et ne connaissent que « la crise et la galère » !
Nous vivons dans une société de type guerrière où la jeunesse, l’action, l’efficacité et le travail sont des valeurs exaltées et dans laquelle le « vieux » va à l’encontre du modèle social ; à l’opposé d’autres sociétés dites de sagesse où la place des personnes âgées est à la fois reconnue et valorisée. Cette exclusion générationnelle, qui va à l’encontre de tous les modèles culturels traditionnels, a pris sa source dans le monde du travail et s’est peu à peu diffusée à d’autres sphères de la société.
D’une façon générale, la société française, tout comme les médias, donne du retraité une vision double et contradictoire. Il est perçu à la fois comme improductif, inutile, économiquement dépendant, à la « charge » des générations suivantes et en même temps, il est jeune, dynamique, actif et utile à la société notamment parce qu’il est le « pivot » des générations ; celui qui aide à la fois ses parents, ses enfants, voire ses petits-enfants.
Nos références évoluent moins vite que la réalité et la représentation du senior retraité en est l’illustration parfaite. En effet, encore de nos jours, dans l’imaginaire collectif, on commence à devenir vieux à 60 ans. Peut-être parce que cet âge marque encore inconsciemment aux yeux de beaucoup l’arrêt de l’activité professionnelle. Or, dans la réalité, qui oserait traiter de vieillard un jeune retraité de 60 ans ? Même si la société attribue à « ses vieux » une grande part de ses maux, elle est bien obligée de reconnaître que, paradoxalement, ses vieux sont de plus en plus jeunes !